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Isabelle Desesquelles : Les vérités de papier

Isabelle Desesquelles nous plonge dans un grand jeu littéraire autour de l’enfance trahie. Explorant les limites entre mémoire et imaginaire, elle atteint par ce geste une vérité pure, celle de la fiction narrant l’indicible vérité.

Pour Isabelle Desesquelles, Zabé n’est pas un personnage comme les autres. Héroïne absente au centre de son dernier roman, Là où je nous entraîne, elle est celle qui a su emporter l’autrice par-delà les frontières que son œuvre littéraire s’était juré de ne jamais dépasser. Zabé, c’est la figure phare qui ramène aux rives du réel, l’icône prométhéenne dont le feu éclaire l’interdit. Son histoire, pourtant, est celle de son effacement. Celle, aussi, de sa fille Paulina, jeune fille témoin de l’horreur, devenue femme hantée par les fantômes de l’enfance. Celle, enfin, d’une journée où tout bascule, où la famille explose, où l’innocence tombe du zénith au crépuscule.

À travers cette famille de papier, Isabelle Desesquelles explore son propre passé dans les liens qu’elle tisse et détisse entre ces deux femmes. Loin de cacher ce jeu littéraire, l’autrice la met en scène dans un habile jeu de traduction entre le réel et la fiction. En alternant phases fictionnelles et récits personnels, elle nous donne à lire dans le langage du vécu les douleurs personnelles qui s’invitent dans le romanesque. Avec, entre les deux, une tierce personne nommée l’enfantôme, qu’Isabelle Desesquelles utilise comme une carte du ciel pour tracer des lignes entre les étoiles. Il est celui qui explique tout, celui qui marque la frontière entre le vécu et l’imaginaire, tout en nous permettant le passage.

En explorant l’histoire de ces deux femmes, c’est finalement à la source de l’acte romanesque que nous porte Isabelle Desesquelles. L’écriture drague l’autrice et son lecteur vers le souvenir des premiers émois littéraire, celle de l’identification à des figures qui nous ouvrent la voie. Elle nous raconte l’arrivée d’un texte, les débuts de l’écriture, les pensées infinies qui se bousculent. Se dresse alors une mécanique de la fiction, dont le lecteur pourra s’emparer comme d’une carte du ciel pour avancer dans le récit. Avec, à la clef, le même sentiment que celui ressenti face à l’immensité d’un ciel étoilé.

Yves Czerczuk