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Le Murder Club du jeudi

Un charmant village de seniors. Un crime. Un groupe d’inénarrables détectives amateurs composé d’un psychiatre, d’une infirmière, d’un syndicaliste et d’une espionne. Une enquête où se croisent promoteur véreux, vrai-faux prêtre, éleveurs de moutons et policiers un peu déprimés…Bienvenue dans le cosy crime revisité par le très british Richard Osman. Préparez-vous à être ému et séduit par ce roman, véritable phénomène Outre-Manche, qui nous rappelle qu’il n’y a pas d’âge pour « rencontrer de nouvelles personnes et essayer de nouvelles choses »…comme…résoudre un crime !

« Le soleil brille haut dans le ciel, le ciel est bleu et il y a du crime dans l’air. » Cette délicieuse phrase extraite du roman de Richard Osman résume à merveille l’univers du cosy crime. Pour ceux qui ne seraient pas (encore) familiers du genre, ce dernier pourrait se résumer en une recette simple : prenez des paysages bucoliques et verdoyants jalonnés de pittoresques villages ; organisez-y un crime -mais sans effusion de sang ou déferlante de violence- ; faites venir un détective, de préférence amateur, mais doté d’une infaillible intuition ; ajoutez-y des suspects en petit nombre qui se connaissent mais qui cachent de lourds secrets ; mélangez le tout et vous obtiendrez un puzzle que vous allez adorer résoudre. La légendaire Agatha Christie est sans conteste la plus célèbre des auteurs de cosy crime. Aujourd’hui, c’est Richard Osman qui s’y essaye avec son Murder Club du Jeudi, déjà vendu à 1 million d’exemplaires en Grande-Bretagne, se classant à la 3ème place des meilleures ventes de tous les temps dans le pays…et un certain Steven Spielberg en a déjà acheté les droits d’adaptation.

Mais alors comment expliquer cet extraordinaire succès ? Il y a l’histoire et les personnages bien sûr. Richard Osman a choisi de placer son récit dans un charmant village de seniors au cœur de la campagne anglaise. Là, nous retrouvons quatre personnages aussi étonnants qu’attachants : Ibrahim, l’affable et perspicace psychiatre, Ron, le syndicaliste au grand cœur, Joyce, la douce infirmière et Elizabeth, la très probable…espionne. Ces quatre personnages très différents se réunissent pour tenter de résoudre d’anciennes affaires classées, jusqu’au jour où un véritable meurtre se produit à leur porte. Loin d’être effrayés, les quatre membres du Murder Club du Jeudi se lancent avec excitation dans une enquête…quelque peu rocambolesque il faut bien le dire. Vous y croiserez, entre autres, un promoteur véreux, des dealers, une star de la boxe, un vrai-faux prêtre, des nonnes, des éleveurs de moutons et même des gangsters chypriotes. C’est qu’il s’en passe des choses dans ce petit village de retraités !

Et Richard Osman n’a pas choisi ce lieu au hasard. C’est en rendant visite à la mère d’un ami résidant dans un de ces villages qu’il a eu l’idée de son roman. Il y a rencontré des personnes étonnantes aux vies et histoires extraordinaires…mais bien trop souvent dépréciées, sous-estimées ou infantilisées du fait de leur âge. Or pour Osman, les seniors sont les héros tout trouvés d’un cosy crime puisqu’ils ont la liberté de l’âge qui leur permet de (presque toujours) s’en tirer à bon compte. La sagesse n’a jamais empêché l’espièglerie. Et on ressent chez l’auteur une véritable empathie pour ses personnages qu’il décrit avec tendresse, mais sans aucun pathos. L’âge est une réalité, qu’il évoque non sans une bonne dose d’humour, mais pas une fatalité. Il n’y a pas d’âge limite pour vivre de nouvelles expériences. Et Osman le résume très bien dans cette belle formulation : « Les tatouages s’estompent, les mains tremblent, mais le feu brûle encore. »

Nos quatre camarades, liés par une amitié aussi improbable que sincère qui leur permet de tout se dire et de s’accepter tels qu’ils sont, sont grisés par toutes ces aventures. Malgré les petits et grands maux de l’âge, ils vivent, comme diraient les Anglo-Saxons, leur meilleure vie. Cette impression est d’autant plus forte que les deux policiers qui travaillent à leur côté (il faut tout de même rester dans la légalité) sont empêtrés dans des vies plutôt ternes alors même qu’ils sont encore jeunes. Ce sont les seniors qui leur redonnent vie !

Mais le succès de ce roman est aussi lié à la personnalité de son auteur. Créateur et présentateur de jeux télévisés très populaires Outre-Manche, Osman est un savant mélange de culture classique et populaire. Lecteur avide et passionné, il a dévoré les grands auteurs policiers, mais aussi les grands satiristes anglais…voilà qui explique son art consommé du sous-texte très british qui peut transformer la plus polie et anodine des remarques en terrible menace ou fracassante révélation. Mais il est aussi un défenseur inconditionnel de la télévision qui sait nous informer, nous divertir et nous émouvoir. Tout le roman est émaillé de références à des programmes populaires, de l’émission de cuisine aux séries policières, en passant par les concours de danse, comme autant de clins d’œil à une culture commune qui transcende les âges et les classes…une autre raison qui explique sans doute comment Osman a réussi à attirer 1 million de lecteurs.

Petit-fils de policier, Osman a toujours été fasciné par les histoires de son grand-père faites de secrets extraordinaires cachés par des personnes en apparence très ordinaires…et ce sont elles qu’il a choisi de mettre en scène et en valeur dans ce livre pensé pour nous divertir et surtout pour nous assurer d’une chose : malgré ce que laissent penser ces temps moroses, il y a toujours plus d’histoires qui nous rapprochent…comme un crime par exemple !

Juliette Courtois