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Haute saison d'Adèle Bréau : y a du soleil et des tracas

Haute saison d'Adèle Bréau

Depuis La Cour des grandes (2015) jusqu’à Frangines (2020), c’est toujours avec un immense plaisir qu’on retrouve Adèle Bréau en librairie. Son dernier né, Haute saison, nous plonge dans l’ambiance d’un club de vacances et au cœur des solitudes de quatre personnages qui nous ressemblent. La dose « feel-better » dont nous avons tous besoin en ce moment ! 

Mais quel est le secret d’Adèle Bréau pour gagner nos cœurs à chaque roman ? En cinq titres désormais emblématiques, la romancière et journaliste est parvenue à capter un je ne sais quoi de l’air du temps, de nos vies d’aujourd’hui et d’avant, avec une empathie et une sensibilité sans pareilles. Ressentir son époque et les tâtonnements de ses semblables, la petite fille de Menie Grégoire doit avoir ça dans le sang. Sous sa plume, cela passe souvent par la création d’une atmosphère qui nous est familière, par son sens des matières et des objets qui constituent nos vies. Le blouson en jean qu’on aimait enfiler ado, le cadran en bakélite du combiné téléphonique, « l’odeur de la colle en pot » de nos journées sans fin d’écoliers, les tapis des grandes maisons de famille et l’odeur des champs de lavande au mois d’août… pour ne citer que ses deux précédents ouvrages.  

Spleen au soleil

Ces petits détails loin d’être simplement cosmétiques et grâce auxquels nous nous identifions immédiatement à ses personnages, font aussi le sel – marin et basque – de son tout dernier roman. La Haute saison dans laquelle elle nous invite cette année, c’est celle que nous attendons tous et toutes après le long temps mort que nous sommes en train de vivre ! Imaginez un club de vacances familial et un brin vieillot, pas tout à fait instagrammable mais bon marché. Prenez Fanny, mère de famille en fauteuil roulant en pleine de doutes quant à son mariage. Ajoutez-y Chantal, vaillante mamie en guerre contre le jeunisme et comptant bien profiter d’un élan retrouvé dans sa vie plutôt que de courir après les petits-enfants qu’on lui a mis dans les pattes. Placez encore sur le tableau Matthias, père de famille solo scotché à ses mails et au bord du suicide social ainsi que Germain, jeune réceptionniste solitaire au premier jour du reste de sa vie mais marqué par des blessures enfouies. Laissez traîner un semblant de Jean-Claude Dusse dans les couloirs, alignez des néo-Bronzés écarlates et sur les nerfs dans la file d’attente du buffet à volonté, la mascotte de l’hôtel distribuant des câlins au mini-club, une poignée d’ados en quête de liberté et un staff surbooké par la préparation du spectacle de fin de séjour… et vous aurez planté le décor. 

La possibilité d’une rencontre 

Ça fait beaucoup de monde et de distractions certes. Et pourtant nos quatre protagonistes principaux n’ont jamais été aussi seuls à se débattre avec leurs désirs véritables, les faux-semblants et la réalité de leur existence. En quelques scènes distillant la bonne dose d’humour et de tendresse, Adèle Bréau croque habilement une génération habitée par le spleen qui, avant même d’être mise sous cloche par une pandémie, se débattait déjà avec les nouvelles injonctions au bonheur et au lâcher prise. Mais le masque - celui des apparences, pas le chirurgical - pourrait tomber à la faveur d’une simple rencontre. Parfois, un brin de sincérité permet de lever le couvercle pour mieux regarder l’horizon. 

Noémie Sudre