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5 questions à Anne-Marie Revol

Une vie inestimable

Pouvez-vous nous raconter votre roman en quelques mots ?
Anne-Marie Revol : À travers sept cadeaux qui ne peuvent pas s’acheter… sept cadeaux inestimables… Prudence, une femme née à Cannes en 1905 et morte à Clermont Ferrand en 1995 nous raconte sa vie. Une vie emplie de coups de folie et de renoncements, de chausse-trappes et d’épreuves, de victoires et d’échecs, de joie et de peines. Une vie ponctuée de prises de conscience humaniste, politique et bien sûr féministe.  

Comment vous est venue l'idée de ces cadeaux immatériels ? Où avez-vous puisé l'inspiration ?
À l’origine de ce livre, il y a une rencontre. Alors que j’assurais la promotion de L’Étoile Russe, une inconnue prénommée Dominique est venue me confier que sa grand-mère Yvonne, une Clermontoise encartée au PC, résistante de la première heure, ouvrière devenue infirmière, un des premiers permis de conduire féminin du Puy de Dôme (bref, une femme extraordinaire !), s’était retrouvée un hiver si fauchée qu’elle s’était vue dans l’impossibilité d’acheter des cadeaux de Noël à ses petits-enfants. En lieu et place, d’un ballon, d’un album de timbres ou d’une maquette d’avion, elle avait eu l’idée magique de leur faire un présent immatériel en leur transmettant un paysage, un concept, un animal, un héros qui l’incarnait, la racontait et auquel elle était plus que tout attachée. C’est ainsi que Dominique se vit offrir le Puy de Dôme (le volcan et non pas le département !) et que sa petite sœur hérita du cosmonaute, Youri Gagarine (héros de mon Étoile russe).
Avec son aimable autorisation, je me suis inspirée de cette idée diablement romanesque pour construire la trame de ce livre. Bien que sortie de mon imagination, Prudence a un destin de femme proche de celui d’Yvonne et de tant d’autres grands-mères, mères et filles qui ont traversé le XXème siècle.

Pouvez-vous nous décrire le personnage de Prudence ?
Prudence est franco-italienne et orpheline de père. Elle est forte à l’extérieur et fragile à l’intérieur. C’est une belle âme d’une grande humanité. Elle est tenace et généreuse, maladroite et fragile, courageuse et avisée, résiliente bien que fêlée de l’intérieur depuis sa plus tendre enfance…

Pourquoi avoir choisi de nous raconter cette femme forte et engagée ?  
Pour rendre hommage à toutes ces femmes qui ont fait avancer notre cause au XXème siècle. Parfois sous les crachats. Parfois au péril de leur vie. Pour le plaisir de raconter un parcours de fille, de mère et de grand-mère à la fois hors normes et universel. Pour la joie de mêler la petite histoire à la grande avec un grand H. Pour le plaisir de transmettre à celles et ceux qui me liront ma passion pour les grands destins… même sortis de mon imagination !

Dans quelle mesure votre métier de journaliste a-t-il un impact sur votre manière d'écrire ?
Nous, les écrivains (j’ai encore du mal à me qualifier d’« écrivain » !) sommes des éponges. Voire des pilleurs ! Ce que nous voyons, entendons, surprenons au cours de nos reportages s’engrange dans notre cerveau pour ressortir spontanément lorsque nous écrivons. En 25 ans de journalisme, j’ai croisé beaucoup de Prudence, tiré le portait de quelques Fernand, interviewé pas mal d’Albertine, lu et écrit un paquet d’articles sur le combat de nos mères et de nos grands-mères pour revendiquer leurs droits et les défendre. Si mon livre se passe pour partie en Auvergne, ce n’est pas par hasard : le premier fait-divers que j’ai couvert pour Le Figaro s’y déroulait. J’y suis allée à reculons, persuadée que je détesterais cette région. J’en suis repartie le cœur serré tant je l’ai appréciée (je me suis même débrouillée pendant des années pour m’y faire envoyer par le journal dès qu’un événement s’y passait !).
Deux autres aspects, de mon métier m’aident également lorsque j’écris : le souci de croiser et vérifier mes sources, chiffres, citations etc. Le souci de voir, entendre et sentir ce que je couche sur le papier. « Toujours donner l’impression à vos lecteurs qu’ils sont sur place lorsque vous rédiger vos reportages ! » répétait nos profs à l’école de journalisme… Dont acte.
Ah oui et aussi une dernière confidence ! Depuis un peu plus de deux ans, je suis journaliste littéraire à France Télévisions. Dans l’absolu, c’est un véritable cadeau de la vie ! Mais en réalité c’est terrible ! Écrire soit même quand on lit trois quatre livres par semaine est terriblement complexant. On a tout le temps le sentiment que les « collègues » font bien mieux que nous…