Rêve d’enfant
« C’est difficile de poser des mots dessus, mais j’ai évidemment ressenti quelque chose de fort quand je suis allé dans les rayons de la FNAC de Châtelet où je passais tout mon temps petit à lire des BD, et que tout d’un coup j’y ai vu la mienne ! Je lis des BD depuis tout petit et tous ces auteurs m’ont appris qu’il y avait plein de formes de narration possible, qu’on peut faire rire en étant complètement absurde, qu’on peut faire pleurer avec des dessins pourtant très cartoonesques. Avec la BD, j’ai trouvé une autre manière de m’exprimer, sans doute plus personnelle aussi. Et puis surtout, ça me fait super plaisir que ma BD puisse trouver sa place dans la bibliothèque des gens, et devenir un objet qu’on s’offre, qu’on s’échange. Il y a vraiment un truc beau dans le fait de sortir un objet concret et tangible ! »
Minimalisme
« Quand j’étais plus jeune, j’avais un bon petit coup de crayon, pas incroyable mais meilleur que celui que j’ai maintenant ! Pour cette BD, j’ai choisi ces petits bonshommes-là, parce que c’est ce que je savais pouvoir dessiner, et ce qui correspondait parfaitement à ce que j’avais envie de retranscrire. Chacun y voit ce qu’il veut, y projette ce qu’il veut. J’avais envie de parler de moi et de tout le monde. L’idée était vraiment de créer le moins de parasites possible. C’est aussi pour ça que je voulais garder une typo très basique. Elle n’est vraiment pas sexy à l’œil, mais au moins, elle ne vient pas ‘’polluer’’ le regard. Et puis ces petits bonshommes m’ont aussi permis de me libérer ! Certains sketchs de la BD viennent d’éléments que j’avais écrits pour une série qui n’a jamais vu le jour parce qu’au final, même si je les trouvais cools, je ne me voyais pas les jouer ou les faire jouer. Et c’est là que ces petits bonshommes ont pris le relais en permettant au lecteur de créer sa propre interprétation. Le minimalisme du dessin permet de ne fermer aucune porte, de ne pas influer sur le regard du lecteur. Chacun se fait son sketch à lui et c’est ça que j’adore dans la BD ! Et puis c’était aussi important pour moi d’écrire comme on parle vraiment aujourd’hui, de rester simple et de ne pas aller dans quelque chose de trop ‘’écrit’’ pour garder ce côté drôle et touchant. »
Collaboration
« Au départ, tous ces dessins relevaient vraiment d’un projet instantané, le temps d’un été. Ça me plaisait de le faire et je me laissais libre de dessiner ce que je voulais. Et c’est l’appel de Marie Grée des éditions Lattès qui a tout changé. Cela m’a donné la motivation d’en écrire encore plus. Cette collaboration s’est très bien passée, dans le sens où j’ai gardé une complète liberté de création et de décision. Le seul petit débat a porté sur la couverture. Je voulais quelque chose de très simple, Lattès voulait de la couleur, alors on a trouvé ce compromis du titre en rouge ! Avec Marie [Marie Grée, éditrice], on a beaucoup échangé sur le rythme, sur l’importance de créer des respirations, des moments plus légers entre des sketchs plus profonds. Et c’est grâce à une réflexion de Marie que j’ai eu l’idée de ce final, comme un Euréka, qui permet de lier parfaitement le fond et la forme ! »
Réseaux sociaux
« J’ai commencé à avoir un peu de notoriété à l’époque où les réseaux sociaux sont nés. Du coup j’ai vécu le truc à 100%. Mais aujourd’hui, je suis plus distant avec ça. Je suis beaucoup plus spectateur qu’acteur des réseaux. Et sans les critiquer ou dire que tout est à jeter, je remarque simplement combien cela a modifié aussi nos rapports aux autres. Ensuite en ce qui concerne la création, moi, j’ai connu une époque où ce que faisaient la plupart des créateurs, c’était de la fiction (sketch, court-métrage…), et aujourd’hui ça a quasiment disparu parce que ça coûte trop cher. Il y a aujourd’hui un côté très entrepreneurial dans les réseaux. D’ailleurs, le terme « créateur de contenu », me dégoûte un peu. C’est de la communication pour des marques ! Et donc, face à cette évolution, j’ai pris le temps de réfléchir et de savoir si je voulais faire le plus d’argent possible ou continuer à faire quelque chose que j’aime. Bien sûr, ça implique de moins bien gagner sa vie, de perdre sa notoriété. Mais ce que j’ai trouvé dans le stand-up par exemple, c’est quelque chose qui m’anime beaucoup plus. Dans le théâtre, le stand-up, j’y vois de la pureté, beaucoup moins d’artifices. »
Métamorphose
« L’écriture m’a permis de simplifier ce que je ressentais. Ce final, c’est un peu la leçon que j’ai tiré en relisant tous les sketchs qui traitent de thèmes communs (le temps, la parentalité, la mélancolie…) tout en montrant aussi une forme de métamorphose. A travers cette BD, j’ai fait ma propre petite analyse ! J’ai essayé de dépasser plein de trucs qui m’énervaient ou me rendaient tristes, j’ai aussi appris à me remettre sans cesse en question. Un des problèmes aujourd’hui, c’est cette positivité toxique qui crée plus de complexes qu’elle n’en résout. La vie n’est pas belle en permanence, on ne peut pas toujours tout réussir, et ce n’est pas grave. Il faut l’accepter, apprendre à apprivoiser ses démons, et surtout accepter d’être ébranlé dans ses certitudes pour pouvoir continuer à avancer et à grandir. Le fait d’écrire, de créer, t’oblige à douter et à te remettre sans cesse en question, à te confronter à certains sujets sur lesquels tu n’avais, au départ, pas vraiment de recul, et c’est très sain ! Bon après, je suis toujours très dur envers moi-même et je suis souvent confronté à des doutes mal placés qui m’empêchent d’avancer… mais ce sont eux aussi qui m’empêchent de faire des trucs que je considère comme nuls ! Ce doute c’est aussi le garant de ma sincérité. Et puis cette part d’autodérision, de cynisme, ça fait partie de mon essence, de mon humour, alors je ne vais pas tout effacer, tout changer ! Mais cette BD, le soutien des éditions Lattès, celui d’Alexandre Astier (à qui je ne dois rien et que je n’ai vu qu’une fois il y a 10 ans !), me permet de me dire aussi que ce que je fais n’est peut-être pas si mal ! »
L’amour toujours
« Ce qui compte, ce sont les autres. Sinon tout est vain. L’amour me fascine. C’est à la fois le truc le moins nécessaire à la survie, et en même temps le plus essentiel. Mais on vit dans une société où on s’en coupe de plus en plus. On est de plus en plus enfermé dans une bulle individualiste. Même socialement, on est en train de virer vers le chacun pour soi. Ce sont des choses qui me font très peur. Alors qu’il est évident que la richesse première c’est les autres. Toutes les décisions que j’ai prises, les choix que j’ai faits m’ont amené là où je suis aujourd’hui, et certes, je ne suis plus aussi riche ou connu qu’avant, mais je n’ai jamais été aussi heureux. Tout est dans l’ouverture à l’autre et la communication. Les vraies relations, celles qui comptent, demandent des efforts pour les entretenir. Penser qu’une relation est réussie parce qu’elle ne demande aucun effort, c’est comme si tu disais que tu n’as pas besoin d’entretenir une plante pour qu’elle survive. Il y a toujours des efforts à faire, des compromis. L’important est de parler, de dire ce que tu as en tête ou sur le cœur au lieu de tout garder jusqu’à imploser. C’est sans doute ce sur quoi j’ai fait le plus de progrès ces dernières années et ce que montre la BD : l’important c’est de communiquer. Et ça ne veut pas dire qu’on est obligé d’être d’accord sur tout. C’est d’ailleurs ça qui fait la richesse des vraies belles relations ! »
Envie de théâtre
« A la base, c’est par le théâtre que je me suis ouvert à l’art. Je n’étais pas juste lecteur ou spectateur, j’étais aussi acteur. Et depuis, j’ai gardé ce lien très fort au spectacle vivant. C’est un de mes grands rêves que d’écrire une pièce de théâtre ! Je suis vraiment fasciné par les metteurs en scène qui arrivent à casser les codes. Je sais que je voudrais quelque chose où la musique soit très présente. En fait, j’aimerais que face à la pièce, on ait un ressenti de cinéma ! Selon moi, c’est vraiment difficile de créer de l’émotion sans la musique et l’image qui trouvent un chemin direct et rapide vers le cœur et le cerveau. D’ailleurs dans les phases d’écriture, j’écoute constamment de la musique. Elle nourrit mon inspiration. Dans l’idéal, ce projet serait entre le clip et la pièce de théâtre ! C’est un peu la même idée avec les montages que je fais sur Instagram pour parler des livres qui m’ont touché. Je suis très mauvais pour décrire les livres, et j’ai compris que pour donner envie aux gens qui ne lisent pas beaucoup, il fallait trouver des moyens détournés. D’où l’idée de ces montages de clips et de musique. Quand je lis, je me représente toujours un univers, une ambiance, et souvent, quand j’ai fini un bouquin, je me mets de la musique qui est un peu dans la même ambiance pour savourer la fin qui tourne encore dans mon cerveau. Manifestement, les gens apprécient ! Et c’est ce que je voudrais rendre aussi au théâtre. »
Propos recueillis par Juliette Courtois