Il règne sur les siens, il domine et envahit l'inconscient de ses enfants. Patriarche biblique, paterfamilias romain, représentant et projection de Dieu dans la famille musulmane, le père méditerranéen a une image majestueuse de Gibraltar à Beyrouth. Pourtant, il règne mais ne gouverne pas. C'est un absent, une autorité lointaine qui ne s'exerce pas. Un étranger chez lui. Il s'impose et il brille dehors. Il s'attarde avec ses copains sur le corso, aux terrasses des cafés, sur l'agora, sur le forum. Un homme seul en compagnie d'autres hommes seuls. Il rentre chez lui quand les enfants sont couchés. Quand la mamma a tout réglé. C'est l'inconnu dans la maison, la casa qui reste le royaume de l'épouse et de la mère, la grotte féminine où il n'est que toléré. Il porte beau, mais il rase les murs, accablé par une faute originelle, une peur qui vient du fond des âges. Il ne retrouve son autorité qu'une fois devenu grand-père, comme si sa vie n'avait servi à rien. Il n'incarne enfin la loi que lorsqu'il est un père mort.