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Nicolas Carreau : Un roman en cavale

Avec Un homme sans histoires, le journaliste Nicolas Carreau signe un premier roman léger et enjoué qui ressuscite l’esprit débonnaire de la littérature et du cinéma français des Trente Glorieuses.

Qui ne cherche pas les histoires finit toujours par les rencontrer. Tel pourrait être l’adage caché derrière Un homme sans histoires, premier roman de Nicolas Carreau menant tambour battant le pauvre Henri Reille sur la route des ennuis. Cadre auprès d’une société plutôt quelconque, spectateur d’une vie paisible qu’il fait rimer avec routine, ce trentenaire se retrouve pris dans un amoncellement de hasards et de coups de malchance lui ouvrant la voie royale de la cavale. Avec, en prime, deux truculents acolytes pour accompagner et pousser à bout cet homme à la nature quelque peu terne.

À travers ce personnage aux traits effacés n’ayant rien de l’aventurier intrépide menant sa barque dans les eaux rapides du crime, Nicolas Carreau convoque une lignée de personnages débonnaires tous passés à la postérité. On ne peut songer aux fameux trois vieillards des Vieux de la Vieille de René Fallet, ou bien aux Copains de Jules Romains. Les gags, de leur côté, nous rappellent avec douceur leurs adaptations cinématographiques, ainsi que les films des génies de la comédies qu’étaient Gérard Oury et Yves Robert. La fameuse figure de Big Moustache elle-même finit par planer au-dessus de cette œuvre toute en dérision et en caricature, où l’on s’attache aux personnages plus encore qu’à l’histoire d’Henri Reille. La camaraderie et l’héroïsme badaud règnent dans cet œuvre que l’on sent également inspirée par les romans d’Albert Simonin ou ceux de Jean Dutourd. Une tradition littéraire pleine de gouaille, qui n’hésite toutefois pas à s’emparer de thèmes plus profonds, comme ceux de la famille ou de la guerre. Ici, le souvenir du grand-père ayant connu une vie moins paisible qu’il n’y paraît, qui éclabousse Henri Reille au point d’en faire lui-même un personnage romanesque. Ode à la joie de vivre et à l’amitié, Un homme sans histoires finit par toucher le lecteur là où il ne s’y attendait pas, après avoir passé des dizaines de pages à le faire rire. En résulte un brillant hommage à l’aventure, à la fraternité et à la sortie de route, qui donne envie de vivre sa vie au même rythme intrépide que celui faisant danser les mots dans ce roman fantasque.

Yves Czerczuk