Avec son premier roman, Les Conversations, Miranda Popkey frappe fort. Au fil de neuf conversations-confessions, elle dresse le portrait complexe d’une femme aux prises avec la colère et la solitude dans lesquelles la plongent ses insaisissables désirs. Subversif et percutant.
« Dans son premier roman, une autrice fourre plus ou moins tout ce qu’elle a pensé, vu, lu, aimé, détesté, connu. » Après 20 ans d’introspection et de conversations avec elle-même sur la complexité du désir, les dynamiques de pouvoir dans les relations amoureuses et amicales, la condition de la femme et le rôle de l’art comme catalyseur de tous ces questionnements, Miranda Popkey se lance, en 2017, dans la rédaction de ce qui deviendra son premier roman. 2017 n’est pas une année anodine, c’est celle de l’explosion de l’affaire Weinstein et du mouvement #MeToo. Chez Miranda Popkey, le choc de ces révélations fait vite place à la colère. Colère face à l’impunité de ces hommes de pouvoir, mais colère surtout face à la réalisation que nombre d’œuvres produites par Weinstein ont compté pour elle, ont même été formatrices. Ses réflexions et désirs ont-ils été façonnés par ceux d’un homme violent et abusif ? De cette colère et de ce questionnement, Miranda Popkey en a tiré un roman unique par la singularité de son style, autant que par la brutale honnêteté avec laquelle elle aborde des thématiques encore souvent taboues, à commencer par le désir féminin et sa difficile conciliation avec des idéaux féministes.
L’auteure résume ainsi son roman riche et foisonnant: « Une femme. Neuf conversations. Une vie entière. » De cette femme, nous ne connaissons pas le nom, pourtant nous allons apprendre à la connaître intimement au gré de neuf conversations-confessions. Cette forme est habile car elle donne la parole à d’autres femmes aux trajectoires de vie très différentes, mais qui disent toutes quelque chose de cette société qui enferme les femmes dans leurs rôles d’épouses, de mères et d’objets de désir, tout en plaçant l’héroïne dans la position de celle qui écoute. Pour elle, recueillir ces confessions, c’est créer un lien sensuel avec celles qui les partage. Mais l’héroïne, elle, a beaucoup plus de mal à s’exposer, se mettre à nu, craignant que cette vulnérabilité puisse se retourner contre elle. Voilà pourquoi elle n’a de cesse de prendre des libertés avec la réalité, imaginant un récit de vie dans lequel elle finira par rester piégée. Complexe, brillante, drôle, l’héroïne n’est pas tendre, ni avec elle-même, ni avec les autres, ce qui ne la rend pas vraiment attachante, mais ce qui la rend vraie et authentique, permettant ainsi au lecteur de s’identifier à elle… d’autant que l’héroïne ne cesse de s’adresser à lui. C’est aussi ça la force du roman de Miranda Popkey, ce style qui juxtapose les différents niveaux de conversations, dynamitant les codes traditionnels du dialogue pour créer un fil ininterrompu de pensées et de réflexions, redonnant aux femmes un statut de sujet. Cruel, dérangeant, drôle, émouvant, ce premier roman frappe fort, mais surtout frappe juste.
Juliette Courtois