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Mélange des genres

Le Gibier

Une chasse haletante qui vous mènera du Paris pas si rêvé du Commissaire Satrski et de sa coéquipière Yvonne Chen de la Police Criminelle, aux coulisses peu reluisantes de la très opaque industrie pharmaceutique, en passant par l’Afrique du Sud encore meurtrie par l’Apartheid…telle pourrait être la très succincte présentation du Gibier, nouveau roman foisonnant de Nicolas Lebel, qui y invente une forme hybride, jouant avec les codes de la littérature policière. Thriller ? Roman policier ? Roman noir ? Vous seul déciderez. Mais voici tout de même quelques clés pour vous aider.

Qui ne s’est jamais entendu dire ou demander : « Tu n’aurais pas un bon polar à me conseiller ? » ? Une question toute simple en apparence, mais qui en amène une bien plus épineuse : c’est quoi au juste un polar ? Peut-être vous a-t-on déjà conseillé un polar alors qu’il s’agissait en fait d’un thriller ou d’un roman noir. Certes, ils sont tous très bien…mais ils n’en sont pas moins très différents.

Impossible d’en résumer ici toutes les nuances et les subtilités, mais pour faire simple, disons que le polar ou roman policier fait dans la rationalité. Une enquête méthodique, une distillation graduelle des indices (que le lecteur se délecte de découvrir et d’assembler) et la découverte finale du coupable…tels sont ses ingrédients phares. Le thriller, lui, met aux prises le coupable, souvent identifié dès le départ (mais pas toujours arrêté !), avec un personnage principal plongé bien malgré lui dans un engrenage périlleux de complots et machinations, et alterne les points de vue pour le plus grand bonheur du lecteur qui côtoie ainsi le crime de près. Quant au roman noir, ce dernier est l’héritier d’une littérature sociale et engagée qui, sous couvert de fiction, donne à voir la société pour ce qu’elle est…et le reflet qu’il renvoie est rarement flatteur.

Mais voilà, en littérature, comme dans la vie, il y a ceux qui suivent les codes, et ce qui jouent avec (pour ne pas dire qu’ils les cassent !) pour surprendre le lecteur…et surpris, vous ne manquerez pas de l’être à la lecture du nouveau roman de Nicolas Lebel. Avec Le Gibier, l’auteur s’amuse, comme il le dit lui-même, à mélanger les genres, empruntant au thriller son rythme haletant et ses terrifiantes machinations, au roman policier le rigoureux travail d’enquête, et au roman noir une peinture de notre société faisant dialoguer avec brio Histoire et actualité.

Comme dans tous ses romans, Nicolas Lebel fait montre d’une curiosité communicative pour des thématiques très variées. Avec Le Gibier, vous allez ainsi découvrir l’une des facettes les plus sombres de l’Apartheid et comprendre comment, malgré les tentatives de pardon et de réconciliation, les cicatrices de l’Afrique du Sud sont toujours à vif. Vous serez aussi plongé dans la course au profit qui se cache derrière la très puissante et très opaque industrie pharmaceutique…une réalité d’autant plus dérangeante que Nicolas Lebel décrit en contrepoint le difficile quotidien des services de police et de justice dont le combat pour la vérité est semé des embuches du manque de moyen. Et vous découvrirez ceci tout en suivant pas à pas les étapes d’une grande chasse au cours de laquelle chasseurs et proies n’auront de cesse d’intervertir leur rôle dans un jeu de (fausses) pistes éreintant.

Plus qu’un puzzle, ce roman est une sorte de poupée russe emboîtant différents univers tous reliés par la dernière poupée, le cœur de toute chose, l’être humain dans toute sa complexité ; une complexité que Nicolas Lebel se fait un plaisir de souligner non sans une délicieuse dose d’humour noir, s’autorisant parfois quelques petites incursions dans son roman, sorte de mise en abîme du « polar » dans le « polar », pour nous rappeler que le Grand Veneur de notre lecture…c’est lui !

Roman policier ? Thriller ? Roman noir ? Du Nicolas Lebel tout simplement !

Juliette Courtois