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Le choix de l’éditeur : Un texte comme on en reçoit peu

Mahir Guven, directeur littéraire de La Grenade, nous explique pourquoi il a choisi de publier le premier livre d'Adama Camara, Numéro 55.852. De leur rencontre à sa réaction à la découverte du texte, il nous livre cette expérience.

« J’ai la chance d’être ami avec Laurent Greilsamer. C’est un grand ami parce qu’il ne se contente pas de me distraire. Il a presque 70 ans, j’en ai peu plus de la moitié, la sagesse est de son côté, et il me partage son expérience précieuse sur la société, la politique, la psychologie humaine, le journalisme, l’édition, la littérature… Sur la vie. 

Alors que j’étais lancé dans la rédaction de mon premier roman, il m’a donné le seul conseil valable pour écrire. « La seule chose qui compte c’est ton énergie, la force de vie qui émane de tes mots. La littérature ne tient qu’à ça ». 

J’ai rencontré Adama Camara sur un canapé, dans les loges d’une émission de télé, alors que j’accompagnais Oxmo Puccino. Je ne le connaissais pas, mais j’ai retenu deux informations essentielles, la qualité de son sourire, et à mes yeux, seuls les sourires disent tout, et qu’il était l’auteur d’un texte qu’il cherchait à publier. Nous sommes passés aux informations secondaires, son combat contre les rixes adolescentes, sa série documentaire…quel sacré bonhomme.

J’ai reçu un texte comme on en reçoit peu dans l’édition, par Whats’app, un fichier par chapitre, quel bordel ! Dans ce genre de situation, il faut museler sa flemme, transférer le tout sur sa boîte mail et passer en mode « bricolage » sur son traitement de texte. Ça valait le coup. Adama racontait sa trajectoire avec une sincérité rare, sans filtre, et quand j’écris sans filtre, il ne se cantonnait aux clichés habituels attribués aux banlieusards : bagarres, drogues, trafics et flics. Adama, c’est l’amour de sa fille, de sa mère, de son frère, de son père, les remords, les larmes et les colères. À ses yeux, il ne savait pas écrire, il n’avait pas de talent de plume, à mes yeux, c’était faux et archifaux. Il démontrait à lui seul, ce dont nous sommes convaincus à La Grenade, que les talents sont partout. Son récit était construit, il était habité d’une énergie de vie exceptionnelle, ses personnages évoluaient, il décrivait avec un regard chirurgical la vie des prisons. Je suis fier de publier ce texte. L’histoire d’un garçon qui s’est soumis à la vengeance, d’un merveilleux enfoiré qui tente d’apporter sa pierre à l’édifice de la paix. »